- Vendredi, 08
novembre 2013
LA DESTRUCTION CRÉATIVE DE
LISE BERNARD
Cocktail explosif et défis planétaires.
Par: Joffre Grondin
Lise Bernard
,
artiste peintre multidisciplinaire qui a osé… et réussi
On dit que Léonard de
Vinci a peint la Joconde à partir de 1503 et l’aurait terminée en 4 ans selon
certains et en 16 ans selon d’autres. Sans vouloir imiter Léonard,
l’artiste-peintre
Lise Bernard
a
réalisé en 2013, une expérience fascinante, créative et très constructive sur
une de ses toiles réalisée en 2011, qu’elle trouvait inachevée.
Avec la participation de 25
personnes, l’expérience s’est déroulée du 7 septembre au 24 octobre 2013. Nous
allons présenter des photos des différentes étapes. Le résultat est étonnant,
pour dire le moins. Notons que les photos qui suivent sont de
Lise Bernard
, que nous
remercions. Pour mieux apprécier l’évolution, nous avons d’ailleurs pris
soin de placer les photos en plus grand format ici :
http://beaucemagazine.com/?page_id=12695
À ne pas manquer
Mentionnons tout de suite que
l’oeuvre Cocktail explosif, finalement rebaptisée Défis planétaires sera en exposition les 22, 23 et 24 novembre au Salon des Artistes et Artisans
de Beauce.
L’oeuvre
originale nommée Cocktail explosif, était inspirée par le printemps arabe de
2011. Les cercles au centre et à gauche sont des musulmans à turbans vus du
dessus. Ceux au centre et à droite sont des femmes voilées, vues de face.
Est-ce une première ? On ne sait pas. Cela
importe peu, et il y a eu 25 heureux, qui ont ajouté leur petit coup de
couteau. L’expérience demandait en effet que les participants
« attaquent » la toile avec un Exacto et provoque ainsi un
bouleversement, une perturbation de l’ordre établi de l’original. C’est ce
qu’ils ont fait, et bien fait.
L’artiste avait comme projet de
faire quelque chose de différent avec la partielle destruction, donner un
nouveau souffle à l’oeuvre. Tout un défi. Accepter de perdre ce qui est déjà
là, pour créer du neuf, est loin d’être banal.
Une
participante enthousiaste manie le coutelas. Ce qu’elle ignore est que son
intervention sera à l’origine de la création de la planète dans le futur
tableau.
Plus songé que ça en a l’air
L’idée fait penser au concept de
destruction créative, mais appliqué aux arts. Le concept de destruction
créative vient tout droit d’un livre incontournable sur l’économie, la science
politique, l’histoire et le développement des nations, Why Nations Fail.
En version simplifiée, il s’agit d’abandonner ce qui est, donc de détruire une
façon de faire, pour quelque chose de nouveau, qui est mieux. Destruction…
créative.
Il faut savoir que le principe
de la destruction créative est une des forces importantes qui ont fait avancer
les civilisations. Ce qui est étonnant est que le principe semble fonctionner
sur plusieurs niveaux, du petit au grand, et semble s’appliquer à la nature
humaine en général, que ce soit pour détruire presque tout un corps de métier,
ou de risquer de perdre presque toute une toile.
Voyons donc !
On rapporte beaucoup d’exemples
d’inventions qui ont été refusées, non pas parce qu’elles n’étaient pas plus
efficaces, mais parce qu’il fallait abandonner l’ancien procédé, donc
déstabiliser le système en place. Résistance au changement.
Voici
de quoi la toile avait l’air en fin de journée du 8 septembre, après le passage
des saccageurs avec de bonnes intentions.
En 1589, l’inventeur d’une
machine à tricoter des bas, un dénommé William Lee, demanda un brevet à la
reine d’Angleterre, Élizabeth 1re. Le brevet fut refusé, de peur de
mettre les tricoteuses en chômage, et de créer de l’instabilité politique. À
travers l’histoire, on a souvent vu une opposition à toute innovation, invoquée
pour préserver le calme, la stabilité et l’ordre établi. L’inventeur d’un verre
incassable fut noyé dans la Tamise, avec les plans de son invention, pour ne
pas nuire aux verriers.
Revenons à la vie en rose
Heureusement, dans le domaine
des arts, il y a plus d’ouverture, et les expériences osées ne mettent pas la
vie de l’artiste en danger. Dans le cas qui nous occupe, c’est l’intuition de
l’artiste qui a mené le bal. Agir d’abord, analyser plus tard. Il faut quand
même du cran pour se lancer dans une telle expérience.
Le
11 septembre l’élagage est commencé, « tout en sauvegardant des
traces », dixit l’auteur.
Pourquoi ?
Parlons de l’oeuvre du départ.
Il faut savoir qu’elle avait été réalisée en plein printemps arabe, alors que
le Moyen-Orient prenait feu. « J’ai dit vouloir donner un second souffle à
celle-ci [Cocktail explosif] en demandant à chacun d’y amener une
parcelle de son énergie », avait déclaré
Lise Bernard
au
début de l’expérience.
Mais pourquoi avoir voulu lancer
ce projet interactif avec les visiteurs ? Pourquoi cette œuvre plutôt
qu’une autre ? »
Écoutons l’auteur « À la
réflexion, cette œuvre réalisée en 2011, en plein printemps arabe, me semblait
maintenant inachevée, pas suffisamment “signifiante et porteuse de sens”. Et,
comme il est difficile de se détacher, de renoncer à certaines parties de
l’œuvre pour la transformer, je me suis dit que je pourrais solliciter
l’aide des visiteurs pour y arriver. J’étais certaine qu’ils pourraient
m’amener ailleurs, plus loin dans ma recherche. Et c’est ce qui est arrivé, non
sans quelques serrements de cœur éprouvés lors de l’opération cependant, je
l’avoue ».
On
voit un début de couleurs, et ce qu’on pourrait identifier comme une tête de
boeuf vient d’apparaitre.
Très difficile de se séparer ne
serait-ce que d’une partie de l’oeuvre. Mais le résultat est lumineux pour
celle qui a osé s’avancer sur le sentier dont on ne connait pas la destination.
« Je suis aujourd’hui particulièrement fière de l’œuvre Défis
planétaires et je remercie tous les gens qui y ont contribué ».
Les 25
Début septembre, vingt-cinq
personnes sont donc passées en petits groupes pour « amener une parcelle
de leur énergie » comme l’exprime si délicatement Lise Bernard. Certains
n’ont pas pu, et ont remis le couteau, en s’excusant, d’autres y sont allés
avec une sorte de frénésie tranquille, pour y aller d’un oxymoron, mais
efficace en considérant le résultat ultérieur.
Du cocktail au défi
Il fallait maintenant travailler
avec ce qui restait, appelons ça l’oeuvre scalpée, ou modifiée. Et une fois de
plus dans l’histoire de l’humanité, cette sorte de mystère qu’est l’inspiration
créatrice, qui produit peintures, musiques et inventions, s’est mis à l’oeuvre.
Près d’un mois plus tard, la mutation de l’oeuvre s’achève. Le 10 octobre la
muse finalise. «… Je me suis levée avec le besoin d’intervenir sur le
personnage féminin de “Défis planétaires” ».
On
en est au 23 septembre. Plus de couleur. Il ne reste qu’une femme voilée à droite.
Y-aurait-il une tête de singe en haut à droite ?
Qui sait !
Ils sont revenus
Ceux qui avaient collaboré se
sont fait un plaisir de revenir voir l’œuvre terminée pour chercher ce qu’il
était advenu de ce qu’ils y avaient laissé, voir des photos de l’évolution de
l’œuvre, et en apprendre davantage sur le processus de création, de leur
participation jusqu’au dévoilement.
Le
25 septembre, une planète vient d’apparaitre et un visage de femme. Selon
Lise Bernard
, le visage
serait apparu tel quel, d’un seul coup de spatule. Il semble y avoir une sorte
de courant (bleu) de la planète qui passe à travers la tête de taureau et d’où
surgit le visage.
Il était aussi agréable de
pouvoir interpréter le tableau, entendre l’interprétation des autres de même
que celle de l’auteur.
Madame Bernard confie que
« toutes se sont dites fort heureuses d’y avoir assisté. Elles ont
particulièrement apprécié l’opportunité qui leur était donnée d’entendre une
artiste leur parler de son processus de création avec un exemple concret, y
compris avec les photos de l’évolution de l’oeuvre ».
Au
30 septembre, la partie gauche du tableau, où il y avait des turbans, a perdu
de la couleur, et une nette division est apparue, sous forme d’une ligne qui
fait une partition claire de la partie à gauche.
La blonde artiste concluait
que : « personnellement, je suis très, très satisfaite. Une très
belle rencontre stimulante. Les gens se sont impliqués, ont discuté, posé
des questions, donné leur interprétation ».
Nous
en sommes au 4 octobre. Qu’est-ce qui a changé ?
C’est aujourd’hui 24 octobre que
se termine l’aventure du projet interactif autour de l’œuvre « Cocktail
explosif » dont le titre est maintenant « Défis planétaires ».
Quitte à nous répéter, Défis planétaires sera en exposition les 22, 23
et 24 novembre au Salon des Artistes et Artisans de Beauce.
L’oeuvre
finale que vous pourrez voir au Salon des Artistes et Artisans de Beauce
Vous pouvez également en faire
l’acquisition.
Pour ne voir que les photos en
plus grand format, allez ici : http://beaucemagazine.com/?page_id=12695
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